Le peuplier : un modèle expérimental d’importance économique

Publié le par Issaka Salia Ousseini

Introduction
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Photo Marc Villar

Une trentaine d’espèces de trembles et peupliers colonise d’immenses territoires de l’Hémisphère Nord - de la forêt boréale aux ripysilves du Val de Loire
- et leurs hybrides interaméricains (Populus trichocarpa x deltoides) et euraméricains (P. deltoides x nigra) constituent de larges plantations en Europe, en Asie et Amérique du Nord. En France, les peupliers constituent la deuxième essence feuillue productrice de grumes. Matière première de l’industrie du déroulage, ils constituent également un facteur crucial dans le maintien de la diversité des ripysilves et un large puits de gaz carbonique en séquestrant dans leurs bois une quantité importante de photoassimilats. Cette importance sylvicole, industrielle et environnementale explique l’intérêt constant que les biologistes et généticiens forestiers ont porté aux peupliers ces dernières décennies. En biologie, le Peuplier doit sa notoriété pour avoir été choisi comme modèle d’étude du développement et du fonctionnement des arbres. Son importance économique, l’existence de protocoles de multiplication végétative et de transformation génétique efficaces, la construction de plusieurs cartes génétiques, associés à une croissance rapide, ont hissé en quelques années le Peuplier au rang d’organisme modèle en biochimie, physiologie et génétique forestières... La taille relativement faible de son génome, 520 Mb, est un atout supplémentaire. Cet ensemble d’atouts a logiquement conduit au séquençage de son génome. Les activités de recherche développées dans le cadre du projet ForEST ont pour objectifs de décrypter au niveau transcriptomique les principales fonctions impliquées d’une part, dans le développement des associations arbres-champignons et d’autre part, dans la régulation de la formation du bois en réponse aux contraintes de l’environnement.

Les interactions entre Peuplier et champignons biotrophes

Dans ce projet, il s’agit :

  • d’identifier les gènes contrôlant la formation des structures symbiotiques (ectomycorhizes) ou pathogènes (agent de la rouille foliaire et
  • de comparer les mécanismes mis en place dans ces deux types d’interactions.

En effet, une analyse comparative du transcriptome du peuplier lors de la colonisation par les basidiomycètes phytopathogène (Melampsora larici-populina) et ectomycorhizien (Laccaria bicolor et Pisolithus tinctorius) permettra de mettre en évidence les jeux de gènes propres à chacun de ces champignons biotrophes. Les différentes banques d’ADNc analysées par le Genoscope dans le cadre du projet ForEST correspondent à différents stades de développement des structures d’infection.

L’assemblage des différents jeux d’ESTs issues du séquençage d’une banque SSH (subtractive suppression hybridization) nous a permis d’identifier 526 transcrits uniques (TU) foliaires présents dans les feuilles de Peuplier infectées par l’agent de la rouille foliaire, Melampsora larici-populina. Nous avons également annotés 2 570 TU d’urédiniospores germées de Melampsora larici-populina. Dans le cadre de l’étude du développement de la symbiose ectomycorhizienne, nous avons annoté 3 591 TU de mycorhizes de Populus/Pisolithus et 1 786 TU de mycorhizes Populus/Laccaria. Afin de mieux comprendre les mécanismes de signalisation hormonale mise en place lors du développement symbiotique, nous avons également identifié 2 020 TU de racines de Peuplier incubées en présence de 50 µM d’auxine (AIA). Enfin, nous avons compilé 2 183 TU exprimés dans la racine de Peuplier soumis à une sécheresse édaphique.

La formation du bois en réponse aux contraintes de l’environnement

Durant leur longue vie, les arbres doivent faire face aux nombreuses contraintes de leur environnement. Afin de mieux supporter ces contraintes, ils ont développé des adaptations, dont certaines sont liées à la formation du bois. Il est bien établi que la proportion relative des constituants de la paroi cellulaire ainsi que la taille et l’arrangement des cellules de xylème déterminent pour partie les propriétés technologiques du bois. En effet, la paroi cellulaire peut être comparée à un matériau composite comprenant une matrice de lignines, d’hémicelluloses et de cellulose amorphe, renforcée par les longs paquets de microfibrilles de cellulose cristalline. Les modèles dérivés de la mécanique des matériaux composites ont mis en évidence l’importance de l’angle des microfibrilles, du degré de cristallinité de la cellulose et des propriétés mécaniques de la matrice, pour expliquer les variations des propriétés du bois. Ainsi, il est probable que les gènes impliqués dans l’édification des parois jouent un rôle primordial dans la définition des propriétés du bois.

De plus, il existe des mécanismes très fins permettant à l’arbre de réguler la différenciation des cellules de bois en réponse à différentes contraintes de l’environnement. Soumis par exemple à une contrainte mécanique, provoquée par l’inclinaison de leur tronc, les arbres feuillus répondent en mettant en place un bois particulier, le bois de tension, qui leur permet in fine de réorienter leurs axes. Par rapport au bois normal, le bois de tension se caractérise par un nombre réduit de vaisseaux et des fibres plus nombreuses et dont les parois sont beaucoup plus épaisses. De même, lorsque soumis à une sécheresse modérée, l’arbre réagit en mettant en place un plus grand nombre de vaisseaux de diamètre plus faible et donc moins de fibres. Notre objectif est d’identifier des gènes impliqués dans la formation du bois et importants pour l’adaptation des arbres à leur environnement. Ces gènes candidats seront utiles pour créer des variétés forestières améliorées adaptées à un environnement changeant et produisant un bois de qualité.

Issaka Salia Ousseini

Université Cadi Ayyad

Marrakech-Maroc

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