Polyploïdie et génome des Brassicas

Publié le par Issaka Salia Ousseini

 

Les larges familles de gènes présentes chez des Angiospermes comme Arabidopsis, le riz, le peuplier et la vigne, résultent du fait que, durant leur histoire évolutive, plusieurs mécanismes (duplications en tandem et à courte distance, polyploïdisations) ont conjugué leurs actions pour accumuler dans leurs génomes un grand nombre de copies de gènes. La plus importante contribution à cette accumulation de copies paraît avoir été fournie par des polyploïdisations qui, si elles existent chez tous les Eucaryotes, sont plus particulièrement fréquentes chez les Angiospermes (Otto et Whitton, 2000 ; Blanc et Wolfe, 2004a ; Chapman et al., 2006). Les nouvelles connaissances apportées par les données de séquençage chez les Rosides, comme le peuplier (Rosides I), Arabidopsis (Rosides II) et la vigne (Roside ancestrale), nous ont conduit à analyser le rôle joué par la polyploïde dans la mise en place du génome des Brassicas, connus depuis longtemps pour être extrêmement polyploïdes (U, 1935).

 

Polyploïdisations  chez les Angiospermes

Les séquençages des génomes d’Arabidopsis (AGI, 2000), du riz (Goff et al., 2002 ; Yu et al., 2002), du peuplier (Tuksan et al., 2006), de la vigne (Jaillon et al., 2007 ; Velasco et al., 2007), et d’un autre membre de la « lignée verte », la mousse Physcomitrella patens (Rensing et al., 2007, 2008), ont permis de montrer que tous ces génomes avaient été construits à la suite d’une ou de plusieurs polyploïdisations. Ces polyploïdies résultent soit d’un croisement associé au doublement du nombre de chromosomes (allopolyploïdie), soit du doublement de la garniture chromosomique de l’espèce (autopolyploïdie).

De nombreuses Angiospermes (Rosides, Astérides, Monocotylédones) portent des traces de polyploïdisation(s) dans leurs génomes (Figure 1) (De Bodt et al., 2005). Chez quelques Angiospermes le nombre de chromosomes présents dans chaque cellule somatique (2n) est très élevé, avec de l’ordre de 2n = 640 chez Sedum suaveolens, mais d’autres ne possèdent que 2n = 8 comme Physaria, une Brassicaceae ou Crucifère (Koch et al., 1999, 2003). La variabilité observée dans la taille des génomes, mesurée en nombre de paires de bases, est encore plus importante puisqu’elle se répartit dans une gamme allant de 98 Méga paires de bases (Mpb) chez Fragaria viridis, à 110000 Mpb chez Fritillaria assyrica (Leitch et al., 2007), soit plus de 1000 fois plus, en passant par les 15000 Mpb du blé tendre dont le génome est déjà 100 fois plus large que celui d’Arabidopsis.

Même Amborella trichopoda, l’espèce située à la base des phylogénies Angiospermes actuelles, est probablement polyploïde avec ses 2n = 26 chromosomes. Il est intéressant de noter, car il ne s’agit pas d’un hasard, qu’un grand nombre d’espèces cultivées présentent des niveaux de ploïdie élevés et très élevés, notamment le blé tendre (2n = 42), le colza (2n = 38), le tabac (2n = 48), le coton (2n = 52), le bananier (2n = 3x = 33), la canne à sucre (2n # 100-130), la pomme de terre (2n = 48), le fraisier (2n = 56). Pour les Angiospermes dont les génomes ont été séquencés, leurs nombres de chromosomes varient assez sensiblement, avec 2n = 10 chez Arabidopsis thaliana, 2n = 24 chez Oryza sativa,  2n = 38 chez Populus trichocarpa et 2n =  38 également chez Vitis vinifera. Dans la famille des Brassicaceae, la polyploïdie est également de règle. Le plus large caryotype paraît être celui de Cardamine diphylla, avec 2n = 256 chromosomes (Koch et al., 2003). Enfin, la polyploïdie existe dans le genre Arabidopsis (Figure 2), chez lequel des nombres chromosomiques aussi divers que 2n = 10, 12, 14, 16, 32 et 48 peuvent pêtre observés (Koch et al., 1999). Enfin, la polyploïde se poursuit encore chez Arabidopsis thaliana, dont certains individus sont tétraploïdes (2n = 20) (Schmuths et al., 2004),  et qui a constitué avec A. suecica (2n = 16) un allotétraploïde nommé Arabidopsis arenosa à 2n = 26 chromosomes (O’Kane et al., 1996).

 

Organisation du génome des Brassicaceae

Les travaux de Vision et al. (2000), Similion et al. (2002), Blanc et al. (2003), Bowers et al. (2003) et Maere et al. (2005) ont permis de montrer que la longue période évolutive qui a précédé l’origine de la famille des Brassicaceae il y a environ 30 million d’années, est marquée par trois événements de polyploïdisation. La plus ancienne (1R) est intervenue très tôt durant l’histoire évolutive des Angiospermes, signifiant que la majorité d’entre elles sont polyploïdes. Une seconde polyploïdisation (2R) a été détectée au moment de l’émergence des Rosides, il y a moins de 110 millions d’années (Ma). A celles là se superpose une polyploïdisation plus récente (3R), la première décelée (AG1, 2000 ; Blanc et al., 2000 ; Paterson et al., 2000). Cette polyploïdisation 3R s’est produite il y a une trentaine de millions d’années (Ma) (Ermolaeva et al., 2003). Il n’a pas été possible de déterminer si la polyploïdie s’était produite chez une Brassicaceae ancestrale ou chez l’ancêtre de la famille des Brassicaceae. Cet événement 3R a produit le génome indiqué figure 3, avec ses n = 8 chromosomes et ses 24 blocs (notés A à X). Il est intéressant de considérer que la dernière polyploïdisation 3R signifie que le ou les géniteurs, ancêtre(s) des Brassicaceae, ne possédai(en)t que n = 4 chromosomes (Figure 4) avant le doublement. Et pourtant, les polyploïdisations 2R et 1R étaient déjà passées par là.

 

Une observation très originale, mais totalement inattendue, résultant du séquençage, est le fait que les chromosomes d’Arabidopsis indiqués sur la Figure 5 (AGI, 2000 ; Blanc et al., 2000, 2003 ; Paterson et al., 2000 ; Vision et al., 2000 ; Similion et al., 2002 ; Bowers et al., 2003), comme ceux du riz (Guyot et Keller, 2004) ou du peuplier (Tukson et al., 2006), soient constitués par la juxtaposition de nombreux segments présents en deux emplacements du génome. Dans le cas d’Arabidopsis, les segments présentés sur la figure 5 puisqu’ils proviennent de l’événement de polyploïdisation le plus récent (3R) de son histoire évolutive (Blanc et al., 2003 ; Ermolaeva et al., 2003), nécessitent que cette polyploïdisation ait été suivie de remaniements chromosomiques (Henry et al., 2002 ; Ziolkowski et al., 2006) pour fragmenter le génome ancestral. Le patchwork de segments constituant la structure actuelle du génome d’Arabidopsis a nécessité un minimum d’une soixantaine de réarrangements à partir du génome tétraploïde possédant 2n = 16 chromosomes. De la même manière, des remaniements chromosomiques nombreux et variés se sont produits durant l’histoire évolutive du riz et du peuplier. Chez Arabidopsis, ces remaniements incluent des « fusions de chromosomes » (Boivin et al., 2004 ; Kuittinen et al., 2004 ; Koch et Kiefer, 2005 ; Yogeeswaran et al., 2005 ; Lysak et al., 2006). Quelques translocations, détaillées dans l’élégant article de Lysak et al. (2006), intervenues il y a environ 5 Ma (Koch et al., 2003 ; Koch et Kiefer, 2005), ont compacté le génome d’Arabidopsis thaliana, le ramenant de n = 8 vers son nombre actuel de n = 5 (Figure 6). Ainsi, avec seulement 5 chromosomes, issus des 8 ancestraux, A. thaliana est bien un polyploïde.

La petite taille de son génome et son petit nombre de chromosomes (n = 5) paraîssaient devoir faire d’Arabidopsis le génome idéal pour des analyses comparatives chez les Eudicotylédones. Cependant, les autres membres de sa tribu des Camelinae, possèdent un nombre chromosomique de base de n = 8 (Koch et al., 1999, 2000, 2003) (Figure 2). La phylogénie des espèces du genre Arabidopsis suggérait donc bien que ce génome avait été compacté (Koch et al., 1999, 2000).

 

Conséquences des duplications de gènes

Un espèce qui aurait subi cinq polyploïdisations dans son histoire évolutive durant les derniers 110 Ma (Million d’années), c’est à dire depuis l’émergence des Eudicotylédones, si elle avait conservé toutes les copies de ses gènes, aurait amplifié au minimum 6 fois son génome, et disposerait ainsi théoriquement d’un minimum de 12 copies de chaque gène. En fait, durant l’évolution, toutes les copies n’ont pas été conservées. En effet, après une polyploïdisation, la garniture chromosomique se comporte rapidement comme un génome diploïde, en ce sens qu’en prophase de méïose les chromosomes vont s’apparier (bivalents) et non pas se grouper par quatre (tétravalents), c’est ce que l’on nomme « diploïdisation » (Wolfe, 2001). Très rapidement aussi, des mécanismes épigénétiques se mettent en place chez le nouveau polyploïde, pour contrôler l’expression des gènes dupliqués, dont certaines copies seront « éteintes » (Chen, 2007). Dans une seconde étape, de nombreuses copies des gènes vont être éliminées. Cela va de la disparition pure et simple par délétion, à la présence d’éléments de la séquence ancienne dans un bruit de fond de nucléotides différents (« fantômes »). Ainsi, chez Arabidopsis, seuls 28% des gènes dupliqués par le dernier événement de polyploïdisation 3R (30 Ma) ont été conservés, contre seulement 13% des gènes dupliqués il y a plus de 100 Ma (Blanc et Wolfe, 2004b). De plus, les gènes dupliqués retenus ne sont pas répartis aléatoirement entre les différentes catégories fonctionnelles (Seoighe et Gehring, 2004 ; Blanc et Wolfe, 2004b). Cette conservation préférentielle de certaines catégories de gènes présente des conséquences fonctionnelles et évolutives importantes. Nous savons par exemple que beaucoup de gènes présents chez Thlapsi, une Brassicaceae éloignée, sont absents chez Arabidopsis (Rigola et al., 2006). Ceci permet de faire l’hypothèse que l’élimination différentielle de gènes est associée à la spéciation, dans la famille des Brassicaceae.

Lorsqu’elles sont conservées, les deux copies résultant d’une duplication vont accumuler les mutations, parfois à des vitesses sensiblement différentes. Des remaniements structuraux peuvent également se produire à l’échelle du gène (Ziolkowski et al., 2003). Le devenir évolutif des gènes dupliqués est assez varié (Blanc et Wolfe, 2004b ; Li et al., 2005). Lorsque la fonction originelle est maintenue dans les deux copies, ceci entraine une redondance fonctionnelle. Une seconde possibilité, fréquente, est le fait que les deux copies d’un gène se partagent la fonction ancestrale, en développant peu à peu des fonctions partiellement différentes, ce que l’on nomme sous-fonctionalisation (Pinyopich et al., 2003). Une troisième possibilité, rare, consiste à ce que l’une des deux copies acquiert avec le temps une nouvelle fonction (néo-fonctionalisation). Causier et al. (2005) montrent de manière élégante, que selon les espèces, ce peuvent être l’une ou l’autre des copies, et pas toujours le gène ancestral, qui maintienne la fonction primitive. Enfin, des stades évolutifs intermédiaires entre sub et néo-fonctionalisation existent (He et Zhang, 2005).

 

Complexité du génome de Brassica rapa

Un premier travail de cartographie comparée, à l’aide de plus de 1300 loci, entre Brassica napus et Arabidopsis thaliana (Parkin et al., 2005) avait permis de définir chez B. napus 19 groupes de liaison, correspondant aux 10 chromosomes de B. rapa et aux 9 de B. oleracea. Ce travail a révélé la présence de blocs contenant des gènes communs, blocs maintenus depuis la divergence entre Arabidopsis et Brassica. Schranz et al. (2006) ont précisé ces blocs et étendu leur nombre aux 24 blocs du caryotype ancestral. Il s’agit des blocs notés A à X sur la Figure 3. Les éléments du génome polyploïde à 2n = 16 seront donc retrouvés aussi bien chez Arabidopsis (Figure 7) et quelques apparentés (Lysak et al., 2006), que chez Brassica, genres séparés depuis environ 20 Ma (Koch et al., 2003). L’originalité des espèces du genre Brassica tient au fait qu’elles présentent des contenus élevés en ADN, suggérant qu’elles avaient du subir, durant leur histoire évolutive récente, deux (B. rapa, B. oleracea, B. nigra) ou même trois (B. napus, B. carinata, B. juncea) événements de polyploïdisation de plus qu’Arabidopsis. De fait, la quantité d’ADN voisine de 1200 Mpb, pour les n = 19 chromosomes du colza (Brassica napus), comparée aux 145 Mpb, pour n = 5, chez Arabidopsis thaliana, est cohérente avec plusieurs polyploïdisations surnuméraires chez les Brassicas. La dernière allopolyploïdisation entre Brassica rapa (2n = 20) et Brassica oleracea (2n = 18) a produit le colza (B. napus) il y a environ 8 à 10 000 ans (U, 1935; Rana et al., 2004). Elle met en œuvre des géniteurs fortement polyploïdes.

 

Les blocs définis par Schranz et al. (2006) recouvrent parfaitement les caryotypes d’A. thaliana (Figure7) et de B. rapa (Figure 8). Alors que dans leurs génomes haploïdes A. thaliana et le génome ancestral (Figure 3), ne possèdent qu’une seule copie des 24 blocs A à X, l’analyse du génome de B. rapa montre la présence de ces blocs en nombres variés : un (D, G, H, S), deux (E, K, L, O, P, X), trois (C, F, J, N, Q, R, U, V, W), quatre (A, I, T), voire même cinq exemplaires (bloc B), alors que le bloc M a été perdu. Durant les polyploïdisations successives de son histoire évolutive, B. rapa n’a donc pas conservé l’ensemble des génomes parentaux, que l’on pouvait attendre tous en trois exemplaires. De plus, quatre blocs présents en plus de trois exemplaires suggèrent que certains des mécanismes impliqués permettent à ces blocs de « se multiplier ».

De plus, les 24 blocs A à X du génome ancestral (Figure 3) se superposent très bien aux 44 segments dupliqués du génome d’Arabidopsis (notés a à y sur les Figures 3 et 7), et dont nous savons qu’ils résultent de la polyploïdisation 3R survenue à l’origine des Brassicaceae. Par contre, le génome de B. rapa (Figure 8) inclut de une (segment ka) à huit copies (segments c et g) de ces segments dupliqués, avec le plus souvent 6 copies (segments e, f, DB, i, ja, jb, m, r, s, ta, tb, tc, wa, wb, YA, YB). La présence chez B. rapa d’un nombre moyen de 5,2 copies de ces petits segments dupliqués, comparée aux 2 segments dupliqués du génome d’A. thaliana et de la Brassicaceae ancienne, permet de faire l’hypothèse que deux événements d’allopolyploïdisation suffisent pour construire le génome de B. rapa. Nous pensons à un mécanisme du même type que celui qui est à l’origine du blé tendre : WW croisé par XX produit l’allotétraploïde WWXX, qui croisé par ZZ produit l’allohexaploïde WWXXZZ. Ces Brassica (oleraceae, nigra et rapa) disposeraient de génomes hexaploïdes depuis 8 à 15 millions d’années (Lysak et al., 2005), mais leurs génomes auraient divergés depuis environ 4 Ma (Rana et al., 2004). Lysak recherche actuellement le géniteur « tétraploïde » s’il existe encore sous cette forme, ou ses descendants. La présence de régions du génome, de blocs, en moins de 3 exemplaires et en plus de trois exemplaires, indique des remaniements chromosomiques impliquant des délétions ou des translocations. Les blocs présents en plus de trois exemplaires (A, B, I, T) suggèrent qu’après translocation certains gamètes aient pu retenir un chromosome originel, et un chromosome porteur du bloc transloqué (figure 9). En fonction des combinaisons gamétiques de chromosomes, de telles translocations permettent soit de déléter certains blocs, soit d’en « ajouter » certains autres (Figure 9). D’autres types de remaniements, tels que les inversions observées sur le chromosome IV d’Arabidopsis (Figure 10), permettent de modifier l’ordre ancien des segments dupliqués. L’évolution du génome des Brassicas polyploïdes paraît avoir mis en œuvre divers types de remaniements chomosomiques, qui d’une part ont entraîné une accumulation/délétion plus ou moins importante des blocs élémentaires A à X, et qui d’autre part ont modifié l’ordre et l’orientation de ces blocs sur les chromosomes. Ces événements s’avèrent spécifiques de l’histoire évolutive des Brassicas, puisque nous observons qu’aucun des remaniements chromosomiques qui ont compacté le génome d’Arabidopsis (Figure 6) ne se retrouve présent chez B. rapa. Ainsi, aucun des blocs associés chez A. thaliana : C-D, K-G, H-I, F-L, P-T, Q-S ou S-V, ne se retrouve chez B. rapa, ce qui confirme des trajectoires évolutives variées. Enfin, il est également évident que des « fusions » de chromosomes se sont produites après chaque polyploïdisation. La preuve en est apportée en analysant avec soin les blocs constituant les 10 chromosomes de B. rapa (Figure 8) et qui montrent plusieurs chromosomes très remaniés (Schranz et al., 2006) :

- sur les chromosomes 1 et 3 existent des blocs F-T-U présentant une inversion (du bloc F ou de la paire TU). De même, les chromosomes 2 et 6 présentent des inversions au sein des  blocs V-K-L-Q-X . Plus clairement encore, les blocs B-I-N du chromosome 7 et B-N-I du chromosome 9 révèlent l’inversion des blocs N et I.

- le chromosome 3 de B. rapa est un assemblage de son propre chromosome 1 (F-T-U), avec le chromosome ancestral AK4 (I-J) et plusieurs autres blocs.

- le chromosome 6 de B. rapa regroupe le chromosome ancestral AK1 (A-B-C) et plusieurs blocs.

- le chromosome 4 de B. rapa rassemble le chromosome ancestral AK4 (I-J), la moitié du chromosome ancestral AK7 (S-T) et le bloc N.

La présence de trois copies des blocs associés W-R ou T-U chez B. rapa (respectivement chromosomes 2, 3, 10 et 1, 3, 8) suggère que ces blocs existaient sous cette forme dans les trois génomes ancestraux. De même, la présence de deux copies de nombreuses associations de blocs, comme U-T-F, I-J (le chromosome ancestral AK4), V-K-L-Q-X, B-I-N / B-N-I, permet de penser que deux des trois géniteurs potentiels, peut-être un peu plus proches, possédaient ces ensembles. Il est également possible que la troisième copie ait été fragmentée par un remaniement chromosomique, comme le suggèrent les blocs I-J et U-T-F. En effet, si les blocs I-J sont associés sur les chromosomes 3 et 4, on observe le bloc J sur le chromosome 5 et  des blocs I sur les chromosomes 7 et 9.  Pour les blocs associés U-T-F, des chromosomes 1 et 2, nous observons également une association T-U sur le chromosome 8, et un bloc F sur le chromosome 5. La reconstitution de l’histoire évolutive de B. rapa passe par la connaissance des blocs présents dans les génomes de ses géniteurs (un allotétraploïde et un diploïde).

Le génome de l’allopolyploïde Brassica napus, regroupant les génomes hexaploïdes de type WWYYZZ et W’W’Y’Y’Z’Z’ de ses parents B. rapa et B. oleracea, est donc « formidablement » polyploïde, autour de 12 fois, avec près de 1200 Mpb, contre environ   600 Mpb chez ses géniteurs (Figure 11). L’origine très récente, quelques milliers d’années, du colza et du rutabaga, permet de penser qu’ils possèdent un nombre élevé de copies de nombreux gènes, segments et blocs. Leurs assemblages complexes pourraient être avantageux, si ce n’est pour l’espèce, du moins pour ses consommateurs.

 

L’ensemble des données actuelles rendent vraisemblable une hypothèse selon laquelle les génomes des Brassicaceae pourraient résulter de cycles successifs incluant :

- 1) une polyploïdisation qui double la quantité d’information génétique,

- 2) des mécanismes de retour à la « diploïdisation », empêchant l’appariement entre les chromosomes homologues (ou homéologues) des parents,

- 3) l’extinction puis l’élimination différentielle de nombreuses copies des gènes dupliqués,

- 4) des remaniements chromosomiques,

- 5) des « fusions de chromosomes » permettant d’en réduire le nombre.

Des cycles de ce type ont été nécessaires chez les Brassicas, pour aboutir à B. rapa (n=10), à partir d’un ancêtre à n=8, après deux polyploïdisations, qui théoriquement amèneraient à n=24. Ces cycles ont également permis de créer l’ancêtre des Brassicaceae (n=4) après les deux polyploïdisations 1R et 2R. Plusieurs cycles successifs de ce type ont du, chez les Angiospermes, participer à la genèse de nouveaux taxons (De Bodt et al., 2005 ; Henry et al., 2006 ; Sémon et Wolfe, 2007).

 

 

 


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 Issaka Salia Ousseini

Université Cadi Ayyad

Marrakech-Maroc

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